Son histoire commence lorsqu’il se rendit en Egypte où il fit la rencontre des Argonautes, l’équipage de Jason en quête de la toison d’or. Il prit alors place sur le navire et parmi les Argonautes. Sa présence fut précieuse durant tout le périple de l’équipage. C’est entre autre grâce à lui et sa musique que les marins ne tombèrent pas dans le piège des sirènes, il immobilisa les rochers de Symplégades qui se rejoignaient en menaçant de briser le navire, il charma le serpent gardien de la Toison d’or, il encouragea les rameurs etc. Orphée était non-seulement estimé comme un héros mais aussi comme le plus grand musicien de tout les temps.
A la fin de son voyage il rentra dans le royaume de son père, en Thrace où il fit la rencontre d’Eurydice dont il tomba éperdument amoureux. Son amour est indescriptible, tellement fort que le jeune musicien serait capable de tout pour sa dulcinée. Eurydice, elle, n’est pas insensible à Orphée, on peut même dire que grâce à sa musique elle tombe elle aussi très amoureuse. Alors les deux amants se marièrent et voyaient déjà leur avenir rayonnant de bonheur. Mais un jour Eurydice pris un peu de bon temps, seule, dans la vallée du fleuve Pénée. A ce moment le dieu Aristée fit son apparition. Il était tellement subjugué d’une telle beauté face à Eurydice qu’il lui fit quelques avances. Fidèle et amoureuse, Eurydice déclina poliment l’offre, mais Aristée n’était visiblement pas décidé à lâcher l’affaire. Alors Eurydice prit les jambes à son cou et détala aussi vite qu’elle put. Mais en chemin elle posa le pied sur un serpent dont la morsure lui fut fatale. En moins de quelques minutes la belle princesse perdit la vie. C’est Orphée qui retrouvera sa belle, inanimée. Alors le jeune garçon se mit à pleurer, à crier, hurler, il était inconsolable. La peine le dévorant il se mit en tête de libérer la femme de sa vie du royaume des morts. Alors il prit la route pour Ténare, situé en Laconie, là où se situe la porte des Enfers. Mais l’entrée n’est pas si évidente, voire impossible pour tout ceux qui ne sont pas mort. Alors Orphée commence par emprunter le fleuve Achéron, le cours d’eau que tous les morts doivent traverser. A l’entrée de ce fleuve siège Charon, un vieillard qui exige une obole pour faire traverser les morts. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle qu’au moment de mourir, la famille du défunt dépose sur lui une pièce ainsi qu’une galette afin de les offrir à Charon et le chien Cerbère pour qu’ils leur accordent l’entrée des Enfers. Si jamais un défunt arrive jusqu’à Charon sans présents, il est condamné à errer durant cent ans sur le fleuve avant qu’on ne le fasse entrer. Après avoir franchi l’Achéron, il faut encore traverser le Cocyte, rivière glaciale, le Pyriphlégeton un torrent de feu et enfin le Styx. Mais toutes ces traversées ne sont pas si évidentes qu’elles en ont l’air. Dans un premier temps le paysage est truffé de morts, plus effrayants qu’hideux les uns des autres. Ils n’ont pas de visage, ce sont des fantômes, des ombres horribles qui glacent le sang. Mais Orphée doit aussi passer à travers toutes les créatures les plus horribles de toute la mythologie comme le chien à trois têtes, les centaures, les Hécatonchires, les Hydres de Lerne, les Harpies, les Cyclopes, la Chimère etc. Jamais Orphée n’a vu pire chose dans sa vie, il est prêt à rebrousser chemin tant le spectacle est affreux, mais pour Eurydice il est prêt à tout et se fait violence. Mais Orphée possède un atout majeur qu’il n’hésite pas à utiliser : sa Lyre. Ainsi grâce à son chant mélodieux il parvient à charmer tout les enfers, de Charon qui le laisse entrer à Cerbère qui devient extrêmement docile. Même les créatures les plus épouvantables ont cessé leur terreur pour écouter l’incroyable musicien. Même les suppliciés retrouvent un instant de bonheur : Tantale cesse d’avoir faim et soif, la roue d’Ixion s’arrête de tourner, le rocher de Sisyphe stoppe sa dégringolade, tout le royaume des morts est sous le charme. Egalement Hadès et Perséphone, les maîtres des lieux. Ces divinités réputées pour être insensible à tous sentiments humains, sont ébahis devant le courage, l’amour si profond honnête et indestructible d’Orphée. Alors Perséphone se laisse convaincre et accepte de rendre Eurydice à Orphée. Mais à une seule condition, sur le chemin du retour, en traversant le monde des morts, Orphée doit marcher devant sa dulcinée et surtout, surtout ne pas se retourner pour la voir. Orphée est fou de joie et accepte la condition qui lui paraît hautement simple. Il emmène donc Eurydice qui lui emboite le pas toujours en retrait. Mais en marchant, un sentiment étrange envahi Orphée. Il ne sait pas si il est pris par l’irrésistible envie de voir sa femme, une violente impatience où si la condition de Perséphone n’est pas douteuse. Pourquoi lui aurait-elle exigé une pareille condition ? Pourquoi Orphée ne peut pas voir sa femme avant d’avoir quitter le monde des morts ? Soudain le jeune homme croit que c’est une ruse, qu’en réalité son épouse n’est pas derrière lui, que ceci est seulement un moyen de lui faire quitter le monde des Enfers. Alors empoigné par le doute, Orphée se retourne et voit sa femme, réelle, présente, toujours aussi belle, mais les conditions des Dieux sont indiscutables, Orphée a commit une grave erreur en dérogeant à la règle, ainsi Eurydice disparait à nouveau sous ses yeux et cette fois la condition est irréversible, elle fera partie à tout jamais du royaume des morts, c’est indiscutable et définitif.
Alors le jeune veuf rentre seul dans le monde des vivants. Les larmes ne cessent de couler. Il est déchiré par la peine d’avoir perdu une seconde fois la femme sans laquelle il ne peut vivre et cette fois il n’y a plus rien d’autre à faire. Alors Orphée rentre chez lui et s’enferme dans sa maison où il n’en sortira plus jamais. Les femmes de la ville, amoureuses et séduites par le magnifique musicien lui font des avances, mais Orphée ne veut rien savoir, il est éternellement l’homme d’une seule femme, d’Eurydice la femme de sa vie. Il refuse donc toutes les avances des jeunes femmes qui finissent par être vexées voire furieuses. Orphée adopte même un point de vue totalement différent, il commence par être attiré par la gent masculine, ramenant de plus en plus de jeunes hommes dans sa demeure. Jalouses, les épouses pénètrent chez Orphée et le découpe littéralement en morceau à l’aide de pierre et d’outils. Elles le lacèrent, le déchiquètent encore vivant, découpent ses membres un à un et jettent le tout dans le fleuve le plus proche. La tête et la lyre d’Orphée, emportées par le courant, sont charriés jusqu’à l’île de Lesbos où les habitants lui consacreront une cérémonie ainsi qu’une tombe. En mémoire du plus grand musicien de tout les temps, Zeus transforme sa lyre en constellation et transporte l’âme d’Orphée aux Champs Elysées, le paradis grec.
Les interprétations du mythe d’Orphée, bien que toutes différentes, font l’objet d’une question centrale ? Comment comprendre l’erreur d’Orphée et surtout comment interpréter la condition de Perséphone ? Le sens profond de ce mythe aura inspiré de nombreuses religions comme l’Orphisme ou même le Christianisme. En réalité, selon un point de vue personnel, chacun doit comprendre cette légende selon ses croyances. Je m’explique. L’amour est un principe commun à tous les hommes. Nous aimons tous sans exception. Certes cette manifestation peut être différente selon les caractères mais il n’existe pas d’homme incapable d’aimer. Même le plus froid, le plus insensible de tout les êtres, est pris un jour ou l’autre, par le désir, par le beau, l’attirance, la contemplation ou l’émerveillement. Aujourd’hui quand on parle d’amour on entend d’avantage par là le principe d’aimer quelqu’un d’autre, de le chérir, de centrer toute son attention autour de cet être. L’amour provoque ainsi les unions, les naissances mais aussi la joie, la passion, le bonheur, la tristesse, la déception. Notre essence même est faite d’amour, c’est dans notre instinct d’aimer et de vouloir être aimé. Ce sentiment qui nous anime est si fort qu’il nous permet de vivre, de réaliser les exploits les plus incroyables ou alors nous donner des ailes, se sentir capable de « décrocher la lune ». Cette puissance apparaît comme l’un des principes les plus forts de l’humanité. La religion Chrétienne a mit en avant cette force de l’amour dans l’Evangile, lorsque Jésus apprend que son ami Lazare vient de mourir. La perte d’un être cher, plonge le Christ dans une peine inconsolable. Sa tristesse étant insupportable et insurmontable, Jésus fait revivre son plus proche ami. Ainsi on interprète ce texte de l’Evangile selon laquelle l’amour est plus fort que tout, même la mort. Le mythe d’Orphée va poursuivre cette vision en démontrant qu’avec toute la bonne volonté du monde, Orphée parvient à accéder au royaume des morts et à retrouver Eurydice. Seulement ces histoires ne sont que légendes. Je n’ai pas eu l’occasion d’approfondir l’extrait de l’Evangile, mais le mythe d’Orphée parait assez clair quant au message qu’il veut transmettre. Si on reste dans le principe que l’amour est plus fort que la mort, alors chaque être en prise de ce sentiment a le pouvoir de tout réaliser, de tout défier. Il est en quelque sorte immortel, tel un être divin. Or lors de la création de l’univers et des hommes, Zeus a procédé à un partage équitable, où chacun aurait son rôle et sa place dans le cosmos. Les Dieux étaient appelés à siéger et à régner éternellement dans les cieux, ce qui fait d’eux des êtres immortels. Quant à l’homme, sa destinée est de vivre sur terre, travailler, manger, boire, dormir, se reproduire et mourir, ce qui fait donc de lui un être mortel. Les choses ont été établies telles qu’elles sont. Si les Dieux on donné aux hommes des attributs de mortels, cela n’est pas un hasard. Imaginez-vous le monde, après des milliers d’années d’existences, peuplé d’hommes immortels qui se reproduisent entre eux, multipliant les générations. La vie sur terre serait impossible, mais étant donné que la mort l’est aussi, l’ordre établi serait brouillé, déréglé. Nous ne vivrions pas dans un cosmos ordonné mais dans le chaos. Il est donc naturel et dans la destinée de l’homme de mourir un jour. La mort est une fin dont nous redoutons tous. La fin de tout, le départ vers l’inconnu, la perte de ses proches, il est humain de ressentir un sentiment de peur et d’angoisse face à la mort. Mais l’être humain doit accepter sa condition humaine et c’est ainsi que l’on pourrait interpréter le mythe d’Orphée. Ce merveilleux musicien, pris par un amour fou est persuadé qu’il peut tout surmonter. C’est la raison pour laquelle il prend ce risque d’entrer dans les Enfers. Jusque là le mythe s’accroche à l’idée que l’amour est vainqueur. Orphée par sa détermination et son courage est parvenu à émouvoir les Dieux des enfers, Hadès et Perséphone (ce qui démontre que même les êtres les plus cruels possèdent ce sentiment d’amour et de compassion). Quoiqu’il en soit Orphée a obtenu gain de cause, il récupère Eurydice mais sous une condition, vitale et majeure, ne pas se retourner vers sa chère et tendre tant qu’il ne sera pas sorti des Enfers. Cependant Orphée fait tout l’inverse en se retournant en cours de chemin et perd à tout jamais la femme de sa vie. Il est donc une morale qu’il faut retenir de cette condition. A première vue il nous semble extrêmement facile de respecter les exigences de Perséphone. Il n’est pas difficile de regarder droit devant sans jamais se retourner, jusqu’à la sortie des Enfers pour retrouver enfin l’être que l’on aime. A choisir entre s’abstenir quelques minutes voir quelques heures ou perdre éternellement son amour, le choix est vite fait. Mais le message est plus profond car en exigeant qu’Orphée ne doive pas voir sa femme, Perséphone s’avait pertinemment que sa condition ne serait pas respectée. Pourquoi ? Tout simplement parce que c’est dans la nature de l’homme de voir derrière, de se retourner vers son passé. Quand Perséphone demande au musicien de voir droit devant lui, devant, c’est tout simplement pour qu’Orphée accepte sa condition d’humain, le fait que ce qui est passé est passé, que ce qui est derrière est derrière et que le temps est irréversible, irrattrapable. Enfin Orphée doit accepter sa condition qui est la sienne ainsi que celle d’Eurydice à savoir la mort. En revanche, lorsque Orphée meurt assassiné, on se laisse imaginer, et ce qui est fort probable, qu’il rejoint Eurydice au royaume des morts. Une interprétation optimiste laisserait croire que certes l’amour ne peut se situer au dessus de la mort contenu de notre caractère mortel, en revanche il peut être éternel même au-delà de la vie.
Dans tout les cas cette légende nous apprend et nous aide à accepter que tout comme l’amour, la mort fait partie de chacun, qu’elle représente notre destinée commune. A partir de là, chaque être humain doit avoir la sagesse de ne jamais regarder derrière lui, d’accepter le passé et de tourner la page, de toujours aller vers l’avant, comme l’avait recommandée Perséphone à Orphée. Au final Orphée représente l’image idéale de l’homme, mortel, envahi par l’amour et raccroché à son passé et Perséphone représente notre destinée, notre avenir, l’image de la mort, de toujours aller de l’avant et d’accepter les faits.
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