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samedi 30 novembre 2013

La cité du soleil, Tomasso Campanella/partie 2

«Ce qui rend encore les Solariens dignes d’éloges, c’est qu’aucune difformité n’autorise un homme à vivre dans l’oisiveté ; les vieillards seuls sont exceptés, et pourtant ils sont encore utiles par les conseils qu’ils donnent. Le boiteux sert de surveillant, l’aveugle carde la laine et choisit la plume pour les matelats et les coussins. La république se sert de la voix et des oreilles de ceux qui ont perdu leurs jambes et leurs yeux. Enfin, ne leur restât-il plus qu’un membre, elle les emploierait dans la campagne, pour surveiller et rendre compte de ce qu’ils voient. Les infirmes sont, du reste, aussi bien traités que les autres.»

Même les handicapés ont une place dans la société solatienne, chacun a son rôle dans cette dernière ce qui renvoie vers une évolution positive : on ne sélectionne pas, on ai dans l'orientation et enfin les solariens sont des citoyens a part entière.

«LE GÉNOIS.Je crois t’avoir déjà dit que les travaux de la guerre et de l’agriculture, ainsi que le soin du bétail, sont en commun. Chacun est tenu de connaître ces différentes fonctions, qui sont proclamées les plus nobles. De là vient que celui qui connaît à fond plusieurs arts ou métiers est le plus estimé, bien que chacun ne soit employé qu’à la branche d’industrie pour laquelle il a le plus d’aptitude. Les travaux les plus fatigants paraissent aux Solariens les plus dignes d’éloges. Tels sont la maçonnerie et la manutention du fer. Aussi, personne ne refuse de s’y adonner ; d’autant plus qu’on a consulté le goût naturel de chaque individu. Par la juste distribution du travail, la part qu’en fait chacun, loin d’affaiblir ou de briser ses forces, les augmente.» 

La distinction noble, trivial est ignorée par les solariens qui valorisent même le travail manuel.

«L’HOSPITALIER.Tout cela me semble très-saint et très-beau, mais cependant la question de la communauté paraît bien difficile à résoudre. Saint Clément de Rome dit que, d’après les institutions des apôtres, les femmes doivent être en commun et approuve Socrate et Platon, qui l’enseignèrent ; mais la glose entend que cette communauté ne va pas jusqu’au lit. Tertullien, d’accord avec la glose, dit que les premiers chrétiens avaient tout en commun, hors les femmes, bien que par charité elles se dévouassent au service de tous.
LE GÉNOIS.Je ne connais guère les livres dont tu me parles. Je sais seulement que si chez les Solariens la communauté des femmes s’étend jusqu’au lit, elle n’y existe pas à la manière des brutes, qui s’emparent de la première femelle qu’ils rencontrent, mais suivant les lois de la génération, comme je l’ai déjà dit. Je crois cependant qu’ils peuvent être dans l’erreur à ce sujet, quoiqu’ils s’appuient sur l’autorité de Platon, de Socrate et aussi de saint Clément, sans doute mal interprété, comme tu le dis. Ils prétendent que saint Augustin approuve la communauté, mais non jusqu’à l’union charnelle avec toutes les femmes, car c’est là l’hérésie des Nicolaïtes, et que notre église n’a permis le mariage que pour éviter un plus grand mal, et non pour produire un plus grand bien. Il pourrait se faire que cet usage tombât chez eux en désuétude, d’autant plus que dans les villes sujettes, tout en instituant la communauté, ils ne l’ont pas étendue jusques-là. Néanmoins ils regardent cela comme une imperfection et un manque de philosophie de la part des habitants de ces villes conquises. L’habitude rend les femmes propres à la guerre et à beaucoup d’autres exercices.» 

La communauté de femmes ne veut pas dire barbarie ou sauvagerie, or une source d'améliorer la race (eugénisme).  Tomasso Campanella est contre le mariage, mais on peux avoir recours à ce dernier pour enrailler les plaisirs sexuels, la luxure.....etc.

Tomasso Campanella est révolutionnaire par rapport à son époque : la différence des sexes n'est pas un argument suffisant pour séparer les activités de façon fondamentale et absolue.

«Tous les arts mécaniques et spéculatifs sont communs aux deux sexes. Seulement, les travaux qui exigent plus de vigueur et qui se font hors des murs sont exécutés par les hommes. Ainsi, le labour, les semailles, les moissons, le battage des grains et parfois les vendanges sont faits par eux. Les femmes sont employées à traire les brebis et à faire le fromage. Elles cultivent et cueillent les fruits dans les environs ds la cité. Les arts qui n’exigent aucun déplacement sont aussi de leur ressort. Elles tissent, filent, cousent, coupent les cheveux et la barbe ; elles préparent les médicaments et elles font les habits. Mais elles ne sont pas employées à travailler le bois et le fer, ni à la fabrication des armes. On leur permet de s’occuper de peinture, quand elles en ont le goût. La musique est réservée aux enfants et aux femmes, parce que leurs voix sont plus agréables. L’usage du tambour et de la trompette leur est cependant interdit. Elles préparent la nourriture et dressent les tables qui sont servies par des jeunes filles et des garçons au-dessous de vingt ans.»

Cela reflète la vision traditionnelle (la femme est faible, l'homme est fort). L'inégalité des sexes est davantage d'ordre culturel malgré la différence biologique.

 «Les femmes, grâce à l’exercice qu’elles se donnent, ont des couleurs vives, des membres robustes, et sont grandes et agiles. La beauté des femmes consiste pour les Solariens dans la force et la vigueur, et l’on punirait de mort celles qui farderaient leur visage pour s’embellir, se serviraient de chaussures élevées pour se grandir, ou porteraient de longues robes pour couvrir des pieds défectueux. D’ailleurs, quand elles le voudraient, elles ne pourraient avoir recours à ces artifices, car où en trouverait-elles les moyens ?»

Ce passage constitue un argument qu'on peut qualifié de naturel, développement des potentialités de la nature sans avoir recours à ce qui est artificiel : la nature compense l'infériorité des femmes.  

«Dans les jeux publics, hommes et femmes paraissent sans aucun vêtement, à la manière des Lacédémoniens, et les magistrats voient quels sont ceux qui, par leur conformation, doivent être plus ou moins aptes aux unions sexuelles, et dont les parties se conviennent réciproquement le mieux. C’est après s’être baignés, et seulement toutes les trois nuits qu’ils peuvent se livrer à l’acte générateur. Les femmes grandes et belles ne sont unies qu’à des hommes grands et bien constitués ; les femmes qui ont de l’embonpoint sont unies à des hommes secs, et celles qui n’en ont pas sont réservées à des hommes gras, pour que leurs divers tempéraments se fondent et qu’ils produisent une race bien constituée. Le soir, les enfants viennent préparer les lits, puis vont se coucher, sur l’ordre du maître et de la maîtresse. Les générateurs ne peuvent s’unir que lorsque la digestion est faite et qu’ils ont prié Dieu. On a placé dans les chambres à coucher de belles statues d’hommes illustres, pour que les femmes les regardent et demandent au Seigneur de leur accorder une belle progéniture. L’homme et la femme dorment dans deux cellules séparées jusqu’à l’heure de l’union ; une matrone vient ouvrir les deux portes a l’instant fixé. L’astrologue et le médecin décident quelle est l’heure la plus propice ; ils tâchent de trouver l’instant précis où Vénus et Mercure, placés à l’orient du soleil, sont dans une case propice à l’égard de Jupiter, de Saturne et de Mars, ou tout-à-fait en dehors de leur influence[1].
Ils regardent comme une chose défavorable que le géniteur n’ait pas été trois jours sans voir charnellement de femme avant l’union, et qu’il ne soit pas pur de toute mauvaise action également depuis trois jours, ou que du moins il ne soit pas réconcilié avec Dieu après avoir péché.»

Il n'y a pas d'intimité dans ses rapports surveillés de magistrats. L'acte sexuel ici assume une fonction social, il constitue une obligation vis-à-vis de la communauté. Cet acte est naturalisé, ramené à sa fonction biologique, la dimension étique et morale est évacuée.
L'acte sexuel est sacralisé à travers une cérémonie officielle, la communauté le célèbre et tout cela dans  le but d'améliorer la race.  

« Les Solariens ne se servent ni de fumier, ni de boue pour engrais, pensant que ces deux modes de fertiliser la terre corrompent la semence, dont les fruits énervent et abrègent la vie. Ils comparent à ce propos la terre à la femme qui s’embellit par le fard et non par l’exercice de son corps, et qui engendre, faute de vigueur, une progéniture faible et languissante. Et de là, ils concluent qu’il ne faut pas non plus farder la terre, mais se contenter de l’exercer ; ce qu’ils font, du reste, avec un art infini ; car ils ont des secrets pour hâter la fécondation de la semence, la multiplier et empêcher qu’elle ne se perde»

Ce qui est vrai pour la nature est vrai pour l'homme et vis-versa, mais la réglementation est contre nature enfin : la sexualité par exemple relève du désir et pas de la loi.

«LE GÉNOISL’âge auquel on peut commencer à se livrer au travail de la génération est fixé, pour les femmes, à dix-neuf ans ; pour les hommes, à vingt et un ans. Cette époque est encore reculée pour les individus d’un tempérament froid, mais en revanche il est permis à plusieurs autres de voir avant cet âge quelques femmes, mais ils ne peuvent avoir de rapports qu’avec celles qui sont ou stériles ou enceintes. Cette permission leur est accordée, de crainte qu’ils ne satisfassent leurs passions par des moyens contre nature : des maîtresses matrones et des maîtres vieillards pourvoient aux besoins charnels de ceux qu’un tempérament plus ardent stimule davantage. Les jeunes gens confient en secret leurs désirs à ces maîtres, qui savent d’ailleurs les pénétrer à la fougue que montrent les adultes dans les jeux publics. Cependant, rien ne peut se faire à cet égard sans l’autorisation du magistrat spécialement préposé à la génération, et qui est un très habile médecin dépendant immédiatement du triumvir Amour. Ceux qu’on surprend en flagrant délit de sodomie sont réprimandés et condamnés à porter pendant deux jours leurs souliers pendus au cou, comme pour dire qu’ils ont interverti les lois naturelles, et qu’ils ont mis, pour ainsi dire, les pieds à la tête. S’il y a récidive, la peine est augmentée jusqu’à ce qu’elle atteigne enfin graduellement jusqu’à la peine de mort. Mais ceux qui gardent leur chasteté jusqu’à l’âge de vingt et un ans et mieux encore de vingt-sept ans, sont honorés et célébrés par des vers, chantés à leur louange, dans les assemblées publiques.» 

Cela constitue une réglementation qui peut aller contre nature, ici on ai devant une prostitution choisie et qui est une institution formant en utilité publique pour la communauté.  
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