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Poil de Carotte c’est l’histoire d’un garçon mal aimé. L’œuvre de Jules Renard, publiée en 1894 revient sur les déboires et humiliations de François Lepic, surnommé malignement « Poil de Carotte » à cause de sa chevelure rousse et de ses taches de rousseur. L’ouvrage est scindé en quarante-huit chapitres relatant, indépendamment pour la plupart, les mésaventures et anecdotes quotidiennes du gamin au sein de la famille dont il est le cadet. Cette dernière est composée d’une mère despotique, de Félix et Ernestine, ses aînés railleurs et d’un paternel absent et indifférent. Chaque partie de l’œuvre met en avant les rapports difficiles que François entretient avec les membres de cette famille qu’il essaie désespérément d’intégrer. De fil en aiguille, le lecteur assiste au drame, à l’acharnement déraisonnable de sa mère et à l’aveuglement d’un père sans doute trop absent pour se rendre compte de l’enfer que vit son fils. Le personnage de Poil de Carotte pourrait être partiellement inspiré de la vie de Jules Renard, qui a toujours affirmé avoir été délaissé par sa propre mère, bien que le roman n’ait jamais été revendiqué comme étant une œuvre autobiographique.
Une enfance entre ruses, châtiments et injustices
Poil de Carotte est un enfant vif et ingénieux autant que solitaire et affectivement lésé. Bien assez tôt, il se rend compte que ses frères aînés ne reçoivent pas le même traitement que lui et bénéficient de signes de tendresse et faveurs que lui n’a pas. Il a beau se taillader les joues pour qu’elles deviennent roses, personne ne l’embrasse. Conscient de cette cruelle réalité, il s’emploie à déjouer la perfidie de sa famille par différentes astuces, toutes plus jouissives les unes que les autres.
Subissant les persécutions de sa mère qui le punit à la moindre incartade, les moqueries constantes de son frère et de sa sœur, et affublé de diverses tâches ingrates, Poil de Carotte se réfugie dans un univers qu’il s’est lui-même bâti. Celui-ci se compose tantôt de nature, ou encore de Mathilde, sa petite camarade, seule enfant avec qui il a une relation conviviale. Toutefois, cela ne l’empêchera pas de tenter à plusieurs reprises de mettre fin à ses jours, désespéré par cette mise à l’écart permanente.
Si parfois monsieur Lepic lui manifeste de l’intérêt, cette affection demeure froide et distante. De plus, l’acariâtre madame Lepic veille au grain. Dès qu’une de ces rares occasions de rapprochement se présente, elle fait irruption pour humilier son fils encore de plus belle, devant son mari. Elle maintient de façon continuelle, un contrôle et une emprise, imposant ses envies et abjections. Elle va jusqu’à interdire à son époux de se promener avec le gamin. Poil de Carotte souffre de l’image que sa mère veut donner de lui, celle d’un gosse turbulent, sot et sadique.
Colère et violence, seules armes contre la vulnérabilité
Entouré par ses aînés Félix et Ernestine, Poil de Carotte endure une existence faite de chamailleries et de situations incroyables qui, le plus souvent le mène à être puni par son irascible maman. Un soir, après un refus catégorique de son frère Félix, garçon indolent, sournois et poltron, et de sa sœur trop apeurée, Poil de Carotte est contraint par sa mère d’aller barricader les poules. Malgré sa crainte du noir et des animaux sauvages, le gamin s’y rend courageusement, mais n’obtient à son retour aucune reconnaissance pour ce service.
Une autre fois, il a la charge comme de coutume d’achever les bêtes blessées par son père à la chasse. Il doit donc étrangler les deux perdrix qui constituent le dîner. Mais les animaux lui opposent une certaine résistance. Forcé d’en finir, il les achèvera dans un écrin de violence, avec le bout de son soulier, ce qui lui vaudra plusieurs remarques désobligeantes de la part de la maisonnée.
Alors que la famille Lepic s’égaye autour du feu, Pyrame, le chien se met à aboyer sans discontinuer. Les parents obligent alors Poil de Carotte à faire le tour de la propriété afin de s’assurer qu’un rôdeur n’est pas à l’origine des cris du canidé. Ne voulant pas y aller seul, il rusera cette fois encore en restant caché derrière la porte d’entrée à admirer les étoiles.
Poil de Carotte a entendu dire que la viande de chat est idéale pour pêcher les écrevisses. Or, il se trouve qu’il connaît un vieux chat malade et méprisé de tous. Le gamin invitera l’animal avant de lui ôter la vie avec la carabine de son paternel.
Entre tortures et autres assassinats d’animaux, le personnage du gamin est assimilé à la colère et à la violence. L’analyse globale de l’ouvrage démontre que cette agressivité n’est qu’une réplique à la tyrannie dont il est lui-même l’objet. Le roman est un exutoire pour Jules Renard qui, malgré le drame du récit, arrive à exprimer dans une nuance d’humour et de cynisme, la réalité des injustices liées à la différence.
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