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mardi 5 novembre 2013

More (Thomas) [1478-1535]



Humaniste anglais, savant, avocat, ami de Linacre et d’Érasme, page du cardinal Morton, archevêque de Canterbury, More connaît une carrière politique brillante – après s’être opposé en 1507 à Henri VII dont il dénonce les exactions - grâce à Henri VIII et devient ambassadeur puis grand chancelier en 1529. Il est jugé pour haute trahison et décapité le 6 juin 1535 : catholique sincère, il refuse de se rallier à l’Acte de Suprématie signé par le Parlement faisant du roi le chef suprême de l’Eglise anglaise. Il sera canonisé 400 ans après son exécution. Il est l’auteur d’une utopie très célèbre écrite en latin en 1516 et traduite en allemand (1524), en italien (1548), en français (1550), en hollandais (1553). La version anglaise voit le jour en 1551 seulement et le texte aura un grand retentissement, inventant un concept et influençant durablement de nombreux auteurs.
L’Utopie prend la forme d’un récit fait à l’Auteur par Raphaël Hythlodée, voyageur ayant passé cinq ans en Utopie et exposant en détail l’état social d’un pays inventé. Sous ce prétexte littéraire, le livre I – dont la composition est postérieure au livre II – dénonce les faiblesses d’un état de fait en évoquant en particulier les Achoriens, peuple victime d’un souverain administrant deux royaumes, et les Macariens dirigés avec bonheur par un souverain travaillant pour la prospérité de l’état. Dans le livre second, l’île est minutieusement décrite et se révèle proche de l’Atlantide de Platon, à la différence que cette dernière est une communauté aristocratique reposant sur le travail d’esclaves.
Cette île en croissant, fortifiée, protégée, est née du naufrage, au IIIe siècle avant Jésus-Christ, d’un navire romain : Abraxa – premier nom de l’île – devient alors Utopia, sur la volonté d’Utopus, chef des Romains. Celui-ci commence par creuser un isthme de séparation avec le continent et instaure un système politique démocratique et parlementaire dont la cellule de base est la famille agricole : chacune comprend 40 membres, une cité en comporte 6000, et l’île abrite 54 cités, soit 13 millions d’habitants. La propriété privée n’existe pas – chacun obtient ce dont il a besoin et les familles changent de maison tous les dix ans –, l’oisiveté est inconnue, chaque habitant doit effectuer un service agricole de deux ans et la production est ramenée à l’utile. La journée se répartit en trois étapes - six heures de travail, neuf heures de sommeil, neuf heures pour les repas et les loisirs (s’instruire, converser, faire de la musique) –, et seuls sont exemptés de travail ceux aptes aux études, aux sciences et aux lettres. L’or est méprisé et les habitants définissent la vertu comme "vivre selon la nature". Cette communauté paisible et fraternelle limite ses relations avec l’extérieur, déteste la guerre, autorise toutes les religions… mais interdit la libre-circulation, exige l’absolue transparence et maltraite les Utopiens qui ont commis des crimes.
Loin de toute Providence divine, cette société idéale est réalisée par des moyens humains : les Utopiens sont des hommes avec les qualités et les limites de leur condition. Et par là ils invitent à l’espoir.



1 Le titre de la première traduction française est La description de l’île d’Utopie où est compris le miroir des républiques du monde, et l’exemplaire de vie heureuse : rédigée par écrit en style très élégant de grand’hautesse et majesté par illustre bon et savant personnage Thomas Morus citoyen de Londres et chancelier d’Angleterre, avec l’épître liminaire composée par Monsieur Budé maître des requêtes du feu Roi François Premier de ce nom (1550).
2 Le mot latin "Utopia", construit à partir du grec ou, "non, ne… pa ", et detopos "région, lieu", est le nom d’une île située "en aucun lieu" 
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