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lundi 18 novembre 2013

Illusions perdues


1Les Illusions perdues comprennent trois parties, rédigées par Balzac (1799-1950) en 1837 et 1838 pour les deux premières et en 1843, pour la troisième. Cette oeuvre raconte les aventures de Lucien Chardon, jeune poète ambiteux qui "monte" à Paris. Dans ce roman articulé autour du thème de l’initiation, Balzac met beaucoup de lui-même :
  • Le jeune héros des Illusions est un jeune provincial d’Angoulême qui tente de trouver le succès à Paris; Balzac est lui-même né à Tours, il s’installe à Paris (Villeparisis) avec sa famille à 20 ans, l’âge de Lucien Chardon;
  • Lucien se fait nommer de Rubempré en vertu d’une parenté noble éloignée du côté de sa mère; Balzac a ajouté la particule noble de à son patronyme;
  • Lucien a un bon ami, David Séchard, marié à la soeur de Lucien. Séchard tente sans succès de faire fortune dans l’imprimerie et l’édition; le père de Balzac, ainsi que son beau-frère Surville, se sont lancés eux aussi dans des projets de ce type, qui n’ont jamais abouti. Quant à Balzac, il a lui-même perdu très tôt sa fortune personnelle dans des entreprises d’imprimerie qui n’ont pas marché; écrire des romans et des articles pour les journaux a été pour Balzac un moyen de rembourser ses dettes;
  • Le jeune Lucien Chardon devient l’amant de Madame de Bargeton, la femme (mariée) la plus en vue de la société d’Angoulême; c’est à 21 ans que Balzac a rencontré Mme de Berny, son inspiratrice, amante et protectrice, âgée de quinze ans de plus que lui. Leur liaison durera 10 ans.
  • Les Illusions décrivent longuement le monde complexe et politique de l’édition, du livre, de la presse, du journalisme, dans lequel Rubempré rencontre plus de déceptions que de succès, plus de conflits que d’espoirs; les échecs littéraires ne sont pas inconnus à Balzac, qui publie sans relâche, en particulier dans les journaux, qui présentent ses romans par épisodes.
  • Les Illusions fournissent aussi de riches tableaux des moeurs, des comportements, des rituels de la société aristocratique et bourgeoise parisienne sous la Restauration, la Monarchie de Juillet de Louis-Philippe et du ministre Guizot. La vie mondaine dont Rubempré rêve et où Louise est rapidement intégrée n’est bien sûr pas étrangère à Balzac, qui était invité en ami dans de nombreux salons de la société française et européenne.
    Malgré ces nombreuses références à la vie de Balzac, les Illusions ne sont pas une autobiographie. Comme dans toutes les oeuvres de Balzac, les fragments de l’expérience personnelle de l’auteur sont partout présents dans le récit et à la source des situations, des lieux, des personnages.
    2. La première partie du roman, intitulée Les deux poètes, est située à Angoulême. L’histoire ouvre sur l’amitié entre Lucien Chardon et son ami David Séchard, qui se mariera plus tard à la soeur de Lucien. Cette partie décrit aussi le petit monde de la société aristocratique et bourgeoise d’Angoulême, les ambitions du jeune poète Chardon, amoureux de Mme Louise de Bargeton, la femme la plus "en vue" de la petite société d’Angoulême, épouse d’un notable local. Louise de Bargeton est séduite "par l’excessive beauté de Lucien, la timidité de ses manières, de sa voix […] Le poète était déjà la poésie". En même temps que Lucien découvre l’amour grâce à Mme de Bargeton, c’est elle qui va initier Chardon aux subtilités, aux raffinements et aux codes de la vie mondaine que le jeune homme découvre dans les salons de Louise. A la fin de cette première partie, les deux amants décident de quitter la province pour se rendre ensemble à Paris.
    3. La deuxième partie est intitulée Un grand homme de province à Paris, un titre ironique qui résume les difficultés et les désillusions que Lucien va rencontrer pendant son séjour à Paris. La vie de la capitale change très vite la relation entre les amants, Louise et Lucien. Alors que Madame de Bargeton est invitée avec succès dans les plus grands salons parisiens, Rubempré connaît la misère dans les petites chambres d’étudiant du Quartier Latin. Tous ses espoirs de connaître la gloire s’évanouissent, c’est plutôt les échecs qu’il rencontre, les amitiés passagères, les querelles de jalousie. Lucien devient l’amant d’une actrice à la mode, il s’endette, s’attire des ennemis dans toute la société parisienne. Un duel le laisse blessé et humilié. Il quitte finalement Paris, désespéré et brisé, avec seulement 20 francs en poche qui lui ont été donnés par Bérénice, une gentille prostituée qui a eu pitié de lui : "Cet argent lui brûlait la main, il voulait le rendre; mais il fut forcé de le garder comme un dernier stigmate de la vie parisienne".
    4. La troisième partie, intitulée Les souffrances d’un inventeur, a été écrite bien après les deux premières. Le récit est à nouveau situé à Angoulême, il raconte le retour de Lucien dans cette ville de province mais le jeune homme perd le rôle central. La narration se trouve surtout centrée sur les difficultés de son ami David Séchard, qui séjournera en prison par la faute de Lucien, qui lui avait créé des dettes. A la fin de cette troisième partie, Lucien est sur le point de se suicider lorsqu’il rencontre un homme étrange et autoritaire, qui lui promet la gloire s’il le suit à Paris. Cet homme qui se fait passer pour un ecclesiatique est en réalité Vautrin, un ancien forçat. La suite des aventures de Vautrin et Lucien est narrée dansSplendeurs et misères des courtisanes (1844).
    5. Aphoristique balzacienne
    Le talent de Balzac est immense, et il est un infatiguable travailleur, produisant en l’espace de 20 ans plus de 90 romans. Le grand écrivain de Tours oublie même sa modestie, lorsqu’il écrit en 1833 ce mot célèbre, à la fois sérieux et ironique : "Saluez-moi, je suis tout bonnement en train de devenir un génie".
    L’or, la gloire et le plaisir. Balzac peint avec force et pénétration ces trois passions humaines qui pour lui règlent le comportement de ses contemporains : l’obsession pour l’argent, la quête du pouvoir et l’amour entre hommes et femmes. Balzac est aussi un écrivain qui sait résumer avec brillance et concision des situations, des idées générales, des vérités par des aphorismes lapidaires:
Sur la société parisienne :
"Dans ce monde où les petites choses deviennent grandes, un geste, un mot, perdent un débutant. Le principal mérite des belles manières et du ton de la haute compagnie est d’offrir un ensemble harmonieux où tout est si bien fondu que rien ne choque".
"Surpris par l’esprit d’à-propos, la finesse avec laquelle ces hommes formulaient leurs réponses, Lucien était étourdi par ce qu’on nomme le trait, le mot, surtout par la désinvolture de la parole et l’aisance des manières. Le luxe qu’il avait trouvé le matin dans les choses, il le retrouvait [le soir, à l’Opéra] dans les idées".
Sur la morale des hommes :
"La conscience, mon cher, est un de ces bâtons que chacun prend pour battre son voisin, et dont il ne se sert jamais pour lui" (Lousteau à Lucien)
Sur le journalisme:
"…un journal n’est plus fait pour éclairer, mais pour flatter les opinions" (Vignon à Lucien)
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