Le monde médiéval
représenté par le roman de chevalerie est un monde
idéal où les détails de la vie quotidienne trop prosaïques sont effacés, n’y restent que les
éléments qui permettent de
construire :
Le héros chevaleresque
Il incarne la perfection des valeurs en
vigueur dans cette société. Il a un côté mystérieux car son intériorité
transparaît surtout par ses actes et non pas vraiment par
ce qu’il dit ou pense.
«Le Pont de l’épée» Chrétien de Troyes, vers 1180
Dans son roman du Chevalier à la charrette, Chrétien de Troyes raconte comment Lancelot, pour rejoindre la reine Guenièvre enlevée par Méléagant, doit traverser un fleuve aux eaux noires et profondes en empruntant le redoutable Pont de l'Épée.
Devant l'entrée de ce pont effrayant, ils mettent pied à terre. Ils voient fuir l'eau perfide aux flots noirs et grondants ; torrent boueux, elle épouvante autant que le fleuve infernal ; tous ceux qui tomberaient dans son courant périlleux et profond seraient aussi près de leur fin que si la mer polaire avait fait d'eux sa proie. Le pont qui la franchit n'est pareil à nul autre et jamais n'exista, jamais n'existera plus méchant pont, plus détestable passerelle : une épée bien polie qui brillait de blancheur s'offrait pour tout passage au-dessus de l'eau froide. Mais n'allez pas douter que cette épée fût roide et forte. Elle mesurait bien deux lances en longueur. Il y avait, sur chaque rive, un grand billot de bois où elle était fichée. Inutile de craindre une chute causée par sa rupture ou son fléchissement ! Et pourtant, à la voir, il ne semblerait pas qu'elle puisse porter un fardeau très pesant. Ce qui décourageait beaucoup les compagnons du chevalier, c'est qu'à l'extrémité du pont, sur l'autre bord, ils croyaient voir deux lions, ou bien deux léopards, enchaînés à un bloc de pierre. (..) Lui de son mieux s'apprête à traverser le gouffre. Conduite étrange et merveilleuse : il ôte à ses pieds, à ses mains, l'armure qui les couvre. Il n'arrivera pas indemne et sans entaille au terme de l'épreuve. Mais sur l'épée plus affilée que faux il se sera bien tenu fermement, mains nues et tout déchaux, car il n'a conservé souliers, chausses ni avant-pieds. Il ne s'inquiétait pas trop de se faire des plaies à ses mains et ses pieds. Il aimait mieux s'estropier que tomber du pont et prendre un bain forcé dans cette eau d'où jamais il ne pourrait sortir. En souffrant le tourment qu'on prépara pour lui, il accomplit l'affreuse traversée. Il a les mains, les pieds et les genoux en sang. Mais d'Amour qui le guide, il reçoit baume et guérison. C'est pourquoi son martyre était pour lui délices. S'aidant des mains, des pieds et des genoux, il réussit enfin à parvenir au but.
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire